Etudes de Philologie et d'Histoire
-
-
Alain Dufour publie la Correspondance de Théodore de Bèze depuis 1962. Ce fidèle compagnonnage avec le successeur de Jean Calvin le désignait plus que quiconque pour signer une «Vie de Bèze» qui mène du Paris de François Ier où le jeune humaniste écrivit ses Juvenilia parfois religieux et souvent licencieux, à Lausanne et à Genève, où, à la suite d’une crise religieuse très intense (1548), le poète se fit réformateur. On le voit combattre les papistes, mais aussi les luthériens, rompre des lances en faveur de la prédestination, inspirer l’organisation et la vie des églises réformées de France et d’ailleurs, en écrire l’histoire aussi, sans cesser de faire des vers dès qu’il en a le loisir. Un chapitre est consacré à la poésie et à l’image (autour des Icones et des Emblemata), pour rappeler que Bèze n’a cessé d’être un poète, jusqu’à la fin de ses jours, avec le sens très vif de l’image, de même qu’il a été historien et théologien, n’ayant de cesse de comprendre le monde et sa propre existence comme le théâtre de la Providence.
-
-
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos
Introduction
CHAPITRE PREMIER L'ENTREPRISE ÉDITORIALE: Ronsard et ses «libraires»
A. Le choix des éditeurs: les éditeurs autorisés; Paris et la province: les «libraires» autorisés?; les éditeurs pirates
B. La gestion éditoriale: les privilèges; gestion et contrats; la gestion posthume
C. La qualité éditoriale: faire bonne impression (souci de la perfection; la bonne impression; production et reproduction; volonté d'auteur et contraintes éditoriales)
CHAPITRE II: LE LIVRE AU SERVICE DU TEXTE: le paratexte éditorial
A. La page de titre: titre; nom d'auteur; épigraphes; dédicaces; marques d'éditeur
B. Le Privilège
C. Péritexte et instruments de régie
D. Le contrôle de qualité
E. Liminaires, postliminaires: Ronsard par lui-même; paro -les d'autrui, paroles étrangères; circonstances; liminaristes; langues; postliminaires et polyphonie; liminaires et dialogue poétique - F. Préfaces/postfaces: l'instance énonciative; dénominations; topiques; fonctions
G. Notes et commentaires: Ronsard devant son oeuvre; Ronsard et ses annotateurs: les commentaires anthumes (Muret, Belleau); les commentaires tardifs et posthumes (Thévenin, Besly, Richelet, Marcassus, Garnier)
H. Les traductions des oeuvres de Ronsard: Ronsard traducteur; la poésie ronsardienne et le latin: traductions dans le recueil; traductions hors recueil
CHAPITRE III: RONSARD ET LE «MESTIER D'ECRIVAIN» À SUCCÈS: nouveautés et rééditions
A. Les premiers recueils et les oeuvres de circonstance: les coups d'essai (1549); le premier succès de librairie: les Odes (1550); guerre et paix (1558-1559); deuils et commémorations des Valois
B. Les oeuvres de combat: la salve des Discours: les Discours et leur succès éditorial; répliques protestantes; joute verbale et polémique littéraire (1564-1565)
C. Poésie et recueils: la poétique de l'oeuvre: les recueils homogènes (Les Odes, Les Amours, Les Hymnes, La Franciade); les recueils mixtes (recueils d'attente: le Bocage, Les Meslanges; les Poëmes); paix civile et célébration internationale (Elegies, mascarades et Bergerie); le module des Sixiesme et Septiesme livres des Poemes
CHAPITRE IV: LE POÈTE HORS DE SOI: création et dissémination
A. Confraternité poétique et promotion de l'auteur: appuyer, célébrer les confrères (autonomie des vers liminaires); la promotion par l'inédit (liminaires parenthétiques et traductions); poésie et rhétorique (Fouquelin, La Ramée)
B La célébration collective: couronnes poétiques/combats politiques; offrandes et tombeaux
C. Les florilèges poétiques et musicaux: anthologies poétiques (recueils de poésie profane; la Muse frivole; la Muse religieuse); anthologies musicales
CHAPITRE V: RONSARD AU TRAVAIL : le recueil et la poétique des OEuvres
A. Développement et structuration: les poèmes et le livre (rassembler, organiser, corriger)
B. La succession des éditions collectives des OEuvres: 1560, une édition-bilan; 1567: une édition princière; 1571, le retour sur la scène publique; 1572-1573, les raisons d'un succès; 1578, l'édition royale; 1584, l'édition monumentale
CHAPITRE VI: LA VIE DU LIVRE APRÈS LA MORT DE L'AUTEUR: les éditions posthumes
A. L'anticipation éditoriale: activité pré-posthume et détournement de l'oeuvre ronsardienne
B. Sauvegarde de la mémoire et récit de vie: primeur de l'inédit; intimité et exemplarité: le Discours de la Vie de Ronsard par Binet; la dévotion posthume (édition des OEuvres de 1587)
C. Dévotion posthume ou récupération littéraire: rivalité éditoriale et contestation littéraire; les rééditions posthumes de 1597 à 1630; dévotion ou supercherie littéraire?
CHAPITRE VII: L'ICONOGRAPHIE RONSARDIENNE: identification et culte de la personnalité
A. Ronsard vu par ses contemporains et par lui-même: représentations visuelles; représentations livresques; Ronsard vu par lui-même
B. L'image au service de l'auteur: portraits gravés de Ronsard dans son oeuvre
C. L'iconographie posthume: continuité et renouvellement
CHAPITRE VIII: RONSARD ET SON PUBLIC : la réception de l'oeuvre ronsardienne à l'aube du XXIe siècle
A. Destinataires et dédicataires: Ronsard dans les bibliothèques des Grands
B. Les amis et les confrères: Ronsard dans les bibliothèques des lettrés du XVIe siècle
C. Les amateurs éclairés et les curieux: Ronsard dans les bibliothèques à la veille de la Révolution: les collections du XVIIe siècle; les bibliothèques des curieux au XVIIIe siècle
D. Réhabilitation de la Renaissance et apogée de la bibliophilie aux XIXe-XXe siècles
CONCLUSION
APPENDICES:
I. Tableau des pièces liminaires et post-liminaires figurant dans les livres de Ronsard
II. Deux nouveaux livres ayant appartenu à P. de Ronsard
III. Deux quittances inédites relatives à Loys de Ronsart
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES NOMS PROPRES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
La lecture, l’écriture et la production du livre n’ont cessé d’accompagner Pierre de Ronsard tout au long de son existence (1524-1585). La présente étude retrace la trajectoire biographique, sociale et culturelle de ce poète selon deux perspectives théoriques (bibliologique ou génétique, et littéraire). En observant l’œuvre ronsardienne en train de se faire et en décrivant l’évolution du projet littéraire, créatif, dans ses relations aux conditions matérielles du livre (manuscrit et imprimé), il s’agit de montrer comment Ronsard a tiré profit de la production et du commerce du livre pour asseoir son statut de poète royal et pour marquer de son empreinte la poésie du XVIe siècle.
Le présent volume examine tous les aspects de l’écriture manuscrite chez Ronsard (l’annotation de livres lus, la rédaction de documents relatifs à sa vie privée, la copie de textes littéraires écrits sous sa dictée ou recopiés par des secrétaires). S’appuyant sur le corpus des textes manuscrits de Ronsard connu à ce jour –et sur la redécouverte de manuscrits inédits-, ce livre s’efforce de répondre à plusieurs questions : que nous apporte l’étude des textes manuscrits pour saisir la personnalité du poète et comprendre ses habitudes de lecture et d’écriture ? Quelle est la place du manuscrit dans l’activité littéraire de Ronsard ? Quels rôles social et littéraire le poète leur assigne-t-il ? Quelle est la fonction du manuscrit dans la genèse de l’écriture poétique et quelle conclusion peut-on tirer de l’examen de leurs variantes textuelles ? En fin de parcours, sont évaluées la relation spécifique qui se joue entre les poèmes manuscrits et la poésie imprimée, et la part qui revient à chacun dans la diffusion de la poésie ronsardienne.
-
Cet ouvrage opère un retour sur le problème théologico-politique de l'obéissance civile au cœur de la Réforme protestante. En France, les guerres de Religion (1560-1598) ont été l'occasion, pour certains sujets calvinistes, de redéfinir la pensée politique pour l'ouvrir à la résistance légitime au Roi. Cette reconfiguration du système monarchique est souvent attribuée aux penseurs que l'historiographie a appelés « monarchomaques », ces héritiers de Calvin qui, dans les heures les plus sombres des violences interreligieuses, auraient élaboré une théorie de la juste prise d'armes. Or, de Calvin aux monarchomaques, la réflexion protestante sur le pouvoir s'est développée sous la plume des publicistes du mouvement réformé. Ce livre s'attache particulièrement à ces apologistes qui, de Calvin à Philippe Duplessis-Mornay, ont réfléchi aux conditions de l'obéissance au roi dans la fidélité à Dieu.
-
Peut-on être Français et parler une autre langue que le français ? Au XVIe siècle, la réponse est évidente : la vitalité, à l’oral, des langues de France (occitan, basque, breton, dialectes d’oïl, francoprovençal) fait partie de l’expérience quotidienne. C’est pourtant bien à ce moment-là que s’établit, dans l’espace culturel français, la hiérarchie qui prévaut encore de nos jours entre le français, langue haute comme le latin, et les langues locales, réputées basses. Cette répartition intervient moins sous l’effet de la fameuse ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) qui impose de rédiger en français « et non autrement » tous les actes administratifs que selon des critères sociaux. Dès le milieu du siècle précédent, les élites abandonnent peu à peu leur langue locale et épousent la cause d’une langue qui est à la fois celle du roi, du droit et de la culture dominante. La réflexion qui s’engage au XVIe siècle autour de la norme du français est menée par les théoriciens de la langue (grammairiens, auteurs d’arts poétiques) et elle se trouve relayée par des praticiens de la littérature (Rabelais et ses épigones). Globalement, la tendance qui s’impose est celle de la dévalorisation des parlers de France et du refus de la variation.
Cette marginalisation de la différence linguistique se heurte à la réalité de terrain pour l’Église de la Contre-Réforme qui développe des stratégies différentes selon les régions, engagée au Pays basque, mitigée, voire hostile, ailleurs. Finalement, ce sont les poètes qui choisissent d’écrire dans ces langues, comme l’occitan, qui en assurent la défense la plus efficace, posant cependant la question de l’autonomie de cette production littéraire par rapport aux schémas dominants français.
-
En 1964, Marie Delcourt et Aloïs Gerlo se sont attelés à une entreprise sans précédent : la traduction complète de la correspondance d’Érasme. Grâce à leur travail, le public a eu accès à l’univers riche et varié de la pensée personnelle de l’humaniste. C’est par lettres que les deux collaborateurs ont échangé leurs réflexions, leurs hésitations et les décisions matérielles indispensables. La plupart d'entre elles ont été conservées par la volonté d’Aloïs Gerlo qui les a confiées à l’Université de Gand. Il s’agit là d’un document de travail exceptionnel.
Marie Delcourt, traductrice chevronnée, y aborde avec sincérité et clairvoyance les difficultés, les pièges inhérents à l’art de traduire, sans taire les moments de fatigue et de découragement qui assaillent tout traducteur et que les ouvrages théoriques sur le sujet négligent trop souvent. Cette correspondance est aussi un témoignage de la ténacité et du sens de l’organisation d’Aloïs Gerlo.
Le contraste entre le style vif, spontané, plein d’alacrité de Marie Delcourt et la pudeur contenue de l’écriture de son correspondant, ainsi que la progression d’une amitié fondée sur une estime réciproque, animent cette correspondance et en rendent la lecture particulièrement enrichissante.
-
Le singulier petit livre d’images sans titre, publié à Lyon, en 1556 chez Jean de Tournes, réédité l’année suivante en 1557, avec l’adjonction d’un intitulé sommaire : Pourtraits divers, réunit comme son nom l’indique, plusieurs figures gravées sur bois, illustrant des scènes de théâtre, des planètes, des portraits, des saynètes rustiques et galantes, des triomphes. Ces vignettes proviennent vraisemblablement toutes de l’atelier de l’illustre peintre de la Renaissance lyonnaise, Bernard Salomon, dit Le petit Bernard. Chacune est mise en valeur par sa présentation sur un feuillet individuel. Dénué de légendes, de pièces liminaires, de textes, on ignore les intentions véritables de l’éditeur quant à la diffusion de ce recueil d’images : quel était le public visé ? Quel profit pouvait-il en tirer ?
Ce curieux album, déterminant un objet quelquefois évoqué dans les études seiziémistes, exigeait une édition propre, visant à présenter précisément ses composantes matérielles, à le replacer dans son contexte de publication et de réception, à mettre en exergue son originalité foncière, à percer le mystère entourant sa destination.
-
Ce livre propose une réflexion sur la culture de l’écrit de combat, désigné par le terme contemporain libelle, qui se met en place pendant les guerres de religion. Il cherche à saisir, à travers l’étude des choix d’écriture et de publication des libelles, les représentations de leurs producteurs sur les finalités et les modalités de l’action usant de l’écrit. Les procédés de la désignation et de la mise en accusation d’un ennemi ou encore ceux de la défense face à une attaque infamante, la raison d’être du libelle, sont analysés dans un cadre normatif autant que dans celui des pratiques sociales, religieuses ou littéraires investies par le politique. Cet ouvrage montre que l’argumentation, les exemples mais aussi les modes de diffusion de l’écrit sont adaptés en fonction des circonstances, des destinataires et des objectifs visés bien plus qu’en fonction des idées abstraites, afin de garantir à cette production une efficacité immédiate, parfois au détriment même de la cohérence générale du discours d’un parti. Si les acteurs de poids doivent être persuadés en premier lieu, les auteurs cherchent à inciter tous les lecteurs à participer activement à la diffusion de leurs arguments, notamment grâce à la mise en scène de personnages exemplaires raisonnant en privé sur les affaires publiques.
-
Gabriel Audisio s'intéresse à une question qui n'avait fait jusqu'ici l'objet d'aucune synthèse: la situation de l’étranger en France au siècle de la Renaissance et de la Réforme. Dans un second temps, l'étude se concentre sur la Provence, province frontière tardivement rattachée au royaume (1481) qui a fortement attiré les immigrés. Enfin, c'est Apt, petite ville intérieure qui permet de prendre concrètement la mesure de l’intégration ou de l’exclusion par la propriété, l’élection au Conseil de ville, le mariage, le parrainage.
La documentation première est constituée par les lettres de naturalisation, alors indispensables à l’étranger pour pouvoir léguer ses biens et échapper au droit d’aubaine qui les attribuait au souverain. L’étude montre comment se met alors progressivement en place une législation, entre droit du sol et droit du sang, qui dura jusqu’à la Révolution et dont nous avons hérité.